Sunday, September 25, 2016

histoire de voiture

Chevrolet Corvette
était au temps où l'Amérique était la terre d'élection des rêves automobiles. C'était là-bas qu'il faisait beau, là-bas qu'était l'argent, les clients riches, les usines vraiment performantes et les routes sans fin. Après la sévère purge que s'était infligée l'Europe, côté finances, infrastructures, capacités industrielles et même population, le leadership mondial ne faisait pas de doute. L'Européen chauvin peut rétorquer que l'automobilisme tourné vers la vivacité, les produits un peu pétillants, les plus beaux moteurs, les Triumph et les Sunbeam, les Jaguar et les MG, les premières Ferrari et les premières Porsche, les vives Maserati et les souverains papillons de Mercedes, tout cela naissait bel et bien « chez nous », Monsieur. Certes, mais précisément, toutes ces gourmandises partaient « chez eux », au pays du dollar.

Rattraper la mode Les trois de Detroit commencent d'ailleurs à s'en alarmer. Dans les réunions de cadres intersecteurs, ceux de l'automobile ont du mal à frimer face à ceux de l'aviation ou de la défense, qui ont le droit de s'offrira flashy sportscar, une sportive à la mode, forcément étrangère. Et puis il y a des gens dans les bureaux d'étude que ça démange d'en découdre, d'étudier une machine capable de garder chez l'Oncle Sam le bel argent des militaires démobilisés, qui ramenaient tous des bases américaines en Allemagne occupée, ou dans les pays libres, France, Royaume-Uni, Espagne, Turquie, etc., le goût des petits moteurs prompts à grimper dans les tours et à animer des carrosseries légères et compactes. Donc, la Corvette. Dans les expos de jeux des voitures de rêve qui tournent dans tout le pays pour « éduquer » le client aux formes nouvelles et tester ses réactions, elle apparaît,

Ford Thunderbird

dose de rêve instantané trempée dans un bain de pragmatisme économique. Les concepteurs, confrontés à de drastiques impératifs d'économies, ont concilié le recyclé et l'innovant. Le châssis à longerons rustique et lourd, le six cylindres en ligne tout en fonte, la boîte automatique Powerglide, tout cela était « sur les étagères » des organes disponibles, rentabilisés à raison d'un million d'exemplaires par an, sur les lourdes Styleline, Fleetline et Bel Air des familles. En revanche, la carrosserie plastique, ça, c'est du neuf. Et le style ! Sobre et compacte, galbée de l'aile, onduleuse de la portière, charmante. Et on lui trouve un nom de vaisseau du grand large : Corvette. Tonnerre domestique Malgré le succès timide du premier millésime, l'analyse marketing qui a présidé à sa conception semble valide aux gens de Ford, moyennant correction. Et ils débloquent l'étude d'un « me-too product » : deux places seulement, cabriolet, caractère sportif, belle ligne. Mais comme ils ne sont pas sourds, ils tirent parti des premières critiques adressées à l'adversaire : puissance trop juste; décalage entre la sportivité apparente et les performances; approches stylistique et « philosophique » un peu trop subtiles. La réponse tient en un vocable rageur (oiseau du tonnerre, comme celui de la patrouille aérienne américaine) et au V8. Sortie deux ans plus tard, la Thunderbird dépayse moins l'automobiliste américain, elle écrase les européennes sous un rapport prix/puissance proprement effarant et ne va pas tarder à gommer ce qui la rend encore trop radicale : la roue de secours apparente (1956) a déjà disparu sur notre auto, la vraie remplaçante aura quatre vraies places et sera disponible en coupé fermé. La Vette, au contraire, va devenir la sportive que l'on sait.

Intérieur et e la Corvette est concept-car, sous% griffe de cc Mister Harles/ J. Earl. La T-Bird, signée Bill Bayer, entre autres, n'est qu'une réponse.

Plus que jamais, ce sont des voitures que l'on savoure dès avant de les conduire. Il faut fouetter le photographe pour lui interdire de prendre de longues photos de chaque détail, car tout fait style, rien n'est platement normal, un feu arrière, une sortie d'échappement, sont joyeusement dessinés, enluminés. créés. L'habitacle de la Chevrolet est particulièrement stimulant : cette façon dont la carrosserie arrière naît entre les sièges et les englobe ! Même dans le rétro, on en prend plein les mirettes, avec la vue du feu arrière en cylindre. orné d'embryons d'ailettes, comme une fléchette.

Soft drive Nous éprouvons sans doute le même chaud et froid que le client initial. La Corvette a vraiment un look irrésistible. Ses dimensions mesurées et sa carrosserie plastique évoquent un vavavoum appétissant. Un oeil sous le capot révèle le très gros six en ligne avec ses trois carbus Carter qui semblent signés par un designer. Mais aussi la colonne de direction curieusement placée et les trop forts longerons du châssis, dignes d'un chariot de l'Ouest. Pont rigide et surtout boîte automatique à DEUX rapports jettent un froid sur la fiche technique. Au volant, ce sera la même chose. Nous la découvrons capotée : il faut glisser la main par le déflecteur de la a side-screen p.

et manoeuvrer la poignée intérieure ! On prend place avec bonheur à bord du juke-box haute époque et la fine clef éveille d'heureux borborygmes. La suite est moins délectable... A condition de rester en mode cruising, tout va bien. La première accélération est assez vive, mais insister sur le côté sportif, c'est récolter une belle déception. L'ensemble du contrôle se passe dans le flou. Fort roulis, cirection imprécise : GM n'a pas inventé l'adversaire des MG mais quelque chose à part, sans doute l'image que l'on se fait de l'Europe en Amérique. On cherche à comprendre... Zora Arkus-Duntov, ingénieur indépendant et pilote aux 24 Heures du Mans, course qu'il a disputées en 1952 et 53 sur une Allard-Cadillac, et en 54 et 55 sur une Porsche 550, voit très bien le potentiel de la belle nouvelle et il le dit. Incorporé au staff en charge de la Corvette, c'est lui qui en fera « The American Sportscar : beaucoup de jeux de voiture puissance, une meilleure boite auto et même une excellente manuelle à quatre rapports, l'injection, les roues indépendantes...

Dommage, ce ne sera pas sous cette apparence initiale, qui sans doute n'en remet pas assez à l'époque, mais qui nous plaît tant aujourd'hui... Comme un Riva Averti des moeurs du temps par la conduite de la Corvette 54, on trouve dans la Ford 57 matière à satisfaction. Une boite manuelle au plancher (à trois rapports, avec d'immenses débattements) redonne agréablement un peu de contrôle. Roulis et imprécision sont là aussi, plus forts encore, mais avec bien plus de 200 chevaux sous le capot, le jeu est différent. La T-Bird flotte, roule, déclenche de longues ondulations au rythme d'un amortissement infiniment souple. L'accélération bascule les passagers vers l'anière, le virage les rassemble à bàbord ou à tribord, sur les sièges sans maintien. Mais ça se pilote ! Comme un Riva si on trouve la juste mesure, comme un radeau dans les rapides si on se loupe. Très à part aujourd'hui, mais toujours jouissif.